Dans la course au large en double, la longévité du duo n’est pas toujours de mise. Car passer 15 jours de mer à deux dans un espace restreint en gérant la pression permanente de la compétition n’a rien d’anodin. Le couple Damien Seguin / Yoann Richomme fait donc un peu figure d’exception !
Sur l’ensemble de la flotte de cette Transat Jacques Vabre 2019 (59 duos répartis sur les trois classes), ils sont les seuls à s’être élancés pour la troisième fois en double. Ils ont formé une nouvelle fois un équipage impressionnant qui a pris un plaisir énorme sur cette traversée de l’Atlantique même si leur 14e place finale est en-deçà de leur objectif au départ du Havre.
Ensemble, c’est tout
Ensemble, en class 40 Damien et Yoann s‘étaient classés 2ème en 2011 et 7ème en 2013. Alors il est apparu comme une évidence pour Damien de s’engager de nouveau avec Yoann pour sa première à bord de son 60’ Groupe APICIL. L’histoire est unique donc … Et c’est deux marins-là ont bâti leur relation sur un socle particulièrement solide !
Ambitieux tous les deux, ils affichent des qualités de marins exceptionnels. 6ème de la dernière Route du Rhum, Damien était sur le ponton en Guadeloupe pour célébrer la victoire de Yoann qui s’imposait alors en class 40. De la même manière, le skipper de Groupe APICIL a été le premier supporter de la victoire de Yoann cet été sur la Solitaire du Figaro. Leur duo est une association sportive d’abord mais c’est devenu aussi une histoire d’hommes, de respect mutuel et d’amitié profonde.
Et sous le soleil couchant de Bahia, dans une lumière magique, les sourires à bord de Groupe APICIL en disaient long, une nouvelle fois, sur toute leur complémentarité. Dans cette Transat Jacques Vabre, l’amitié et la complicité qui les lient auront probablement été clé. Car tout ne s’est pas passé comme prévu pour le duo qui ambitionnait d’être le premier monocoque à dérives à pointer son étrave dans la Baie de Tous les Saints
Pour le 60’ Groupe APICIL, la course s’est déroulée en deux temps.
Sur une première partie qui a mené Damien et Yoann du Havre jusqu’au Pot-au-Noir, le duo tenait ses ambitions de naviguer au plus près des foilers de tête et était parmi les monocoques à dérives les plus rapides. Le soir du 10ème jour de course, à l’approche de la zone de convergence intertropicale, il était bien accroché à la 7ème place à la bataille avec Maitre Coq et Corum. Mais le choix d’aborder le Pot-au-Noir par l’ouest n’aura pas été le bon… Les deux hommes perdent plusieurs places au classement dès la première nuit dans cette zone instable et imprévisible. La suite sera bien longue et douloureuse… Se débattant dans le vent faible et totalement instable, Damien et Yoann ont dû assister impuissants à la marche en avant du groupe de l’est. Comme une « gueule de bois » l’expliquait alors Damien. Le monocoque rouge et blanc finit par s’extirper de la zone 3 jours et demi plus tard à la 12ème place avec plus de 400 milles de retard sur APIVIA qui s’est imposé à Salvador…
La suite de la route vers le Brésil n’aura à partir de là plus la même saveur pour le duo. Il a fallu gérer la frustration de faire la course derrière jusqu’à accepter cette 14ème place à l’arrivée aujourd’hui. Mais finalement, ce sont quand même des larges sourires qu’arboraient les deux marins de Groupe APICIL à l’arrivée à Salvador. L’entente à bord a été parfaite et Damien a encore appris énormément sur son bateau.
« Avec un bateau à dérives, on ne peut pas rivaliser avec les bateaux à foils mais tirer tout le potentiel du bateau, c’est déjà énorme. J’avance comme je veux sur ma route vers le Vendée Globe. J’ai l’impression de faire les bons choix, de progresser step by step. Je crois aussi que je sais bien m’entourer. Je n’ai pas peur d’avoir des objectifs élevés. J’apprends et je ne grille pas d’étape. Je suis très serein dans cette démarche pour la suite même si bien sûr j’aurais préféré faire un peu mieux sportivement sur cette transat » a raconté Damien à son arrivée devant les médias et les nombreux marins-copains de la course venus accueillir Groupe APICIL au ponton.
Premier skipper handisport inscrit au Vendée Globe
Damien force l’admiration de ses pairs à commencer par Yoann qui, sur le ponton, a rappelé combien il était impressionné par ses performances et ses capacités d’adaptation.
« Damien m’impressionne depuis longtemps déjà ! On est passé d’un bateau de 12m à un bateau de 18m et il est toujours aussi bon. Il va vite être prêt pour le Vendée Globe, c’est sûr » a commenté Yoann. Pour Damien, cette Transat Jacques Vabre partagée avec Yoann Richomme est une mine d’expériences engendrées pour le Vendée Globe dont il prendra le départ dans un an quasiment jour pour jour. Et puis, cette Transat Jacques Vabre a été l’occasion de porter une nouvelle fois les messages d’inclusion, d’engagement et de défi que veut véhiculer Damien tout comme le Groupe APICIL et l’ensemble des partenaires du projet. Personne ne pouvait rêver meilleur ambassadeur que le triple médaillé paralympique, né sans main gauche pour partager ces valeurs avec le plus grand nombre ! Chaque défi relevé est l’occasion d’avancer aussi dans cette histoire singulière. Celle d’un homme qui épate et qui donne tout pour aller au bout de son rêve de tour du monde.
Classement de la Transat Jacques Vabre 2019
- APIVIA – Charlie Dalin & Yann Eliès, vainqueurs – dimanche à 01h 23mn 00s (heure française)
- PRB – Kévin Escoffier & Nicolas Lunven – dimanche à 17h04
- Charal – Jérémie Beyou & Christopher Pratt – dimanche à 17h11
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- Groupe APICIL – Damien Seguin & Yoann Richomme – lundi à 21h 21mn 21s
Les interviews complètes à l’arrivée à Salvador de Bahia :
Damien :
« Avant le pot-au-noir, on était à fond tout le temps, on a pu tirer sur le bateau comme on voulait, on a joué sur les placements, on a beaucoup tenté. Il n’y a pas grand-chose à regretter sur cette première partie. Le pot-au-noir malheureusement ne s’est pas très bien passé pour nous. Nous avons perdu énormément de terrain, énormément de places. Et après, ça n’avait plus vraiment la même saveur. La grosse satisfaction, c’est que nous avons su tirer tout le potentiel du bateau quasiment tout le temps. Et puis avec Yoann nous nous sommes super bien entendus mais je n’avais pas vraiment de doute là-dessus ! J’ai aussi continué à apprendre de ce bateau Groupe APICIL en vue du Vendée Globe l’année prochaine. Les Imoca sont des voiliers formidables et même avec les bateaux à dérives, je pense qu’il y aura un beau match. A chaque sortie je continue à apprendre sur le bateau. »
Yoann :
« On s’est bien amusés, nous avons passé un bon moment. Il restera sportivement un petit goût amer, nous aurions aimé faire un peu mieux. Nous avons tous vu la différence de potentiels qu’il y a aujourd’hui dans la flotte et de toutes façons, même si c’était pour gagner une place ou deux, cela n’aurait pas changé grand-chose à l’addition. Nous avons bien poussé le bateau. J’étais content de retrouver Damien. Nous avons fait un bon duo. Nous avons globalement bien navigué, fait les bons choix surtout en début de course, moins au Pot-au-Noir. Cela restera notre petite déception.
Damien m’impressionne depuis longtemps déjà ! On est passé d’un bateau de 12m à un bateau de 18m et il est toujours aussi bon. Il va vite être prêt pour le Vendée Globe, c’est sûr. Et je pense qu’il sera capable de faire quelque chose de beau car c’est une course longue, un événement qui nécessite de la fiabilité. C’est une personne technique, il sera capable de bien préparer son bateau et bien le gérer pendant l’événement. Nous avons vu ce qu’Armel et Clarisse ont fait avec un bateau à dérives et il nous reste un peu de marge de progression. Ils ont pratiquement fait un sans-faute, leur trace est parfaite. »