Concrètement, neuf indicateurs liés à la santé ont été sélectionnés en amont : la température corporelle, la fréquence cardiaque, la qualité du sommeil, l’oxygénation du sang, la tension artérielle, la perception du bruit, l’apport nutritionnel, le bilan hydrique et l’état de l’humeur.
« L’idée est que, grâce à des capteurs biométriques, on pourra mesurer des données transmises presque en direct à terre pour quantifier les ressentis. » Jean-Marc Le Gac médecin urgentiste à la clinique du Ter, à Lorient, qui contribue au projet.
Suivez damien sur la carto
Par le kinéthérapeute François Pascal, clinique du Ter
Depuis 25 ans il s’occupe des athlètes de l’équipe de France d’escalade lors de leurs déplacements à travers le monde sur les différentes épreuves de coupes du monde, championnats du monde et d’Europe et aussi durant les 2 dernières olympiades.
« On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer. »
Cette citation de Jon Kabat-Zinn, pionnier de la méditation de pleine conscience (mindfulness) dans le domaine médical, illustre magnifiquement le défi auquel se confrontent les marins du Vendée Globe. Tandis qu’ils affrontent les vagues impitoyables de l’océan, ils sont également soumis à des vagues invisibles de stress et d’émotions qui secouent leur corps et leur esprit. La clé pour naviguer dans ces tempêtes intérieures réside dans la régulation du système nerveux, notamment grâce au nerf vague.
Au cœur de cette régulation se trouve ce conducteur silencieux, qui relie le cerveau aux organes vitaux. Le nerf vague joue un rôle fondamental dans l’équilibre du corps en modulant les réponses au stress et en facilitant la récupération, à la fois physique et mentale.
Le nerf vague : un stabilisateur dans les turbulences
Le rôle du nerf vague :
Le nerf vague, ou dixième nerf crânien, est le plus long du corps. Il traverse plusieurs systèmes, connectant le cerveau au cœur, aux poumons et au système digestif. Son action principale est de réguler le système parasympathique, responsable du retour au calme après un stress.
- Un allié pour le marin :
Lors de longues courses en mer, le stress constant, les tensions physiques et la privation de sommeil fatiguent le système nerveux. En agissant sur le nerf vague, le marin peut apaiser son esprit, moduler son rythme cardiaque et favoriser un repos réparateur, même dans les conditions les plus extrêmes. - Les bénéfices de sa stimulation :
- Réduction des tensions musculaires et nerveuses accumulées.
- Amélioration de la digestion, souvent perturbée par le mal de mer ou le stress.
- Favorisation du sommeil profond, indispensable à la récupération physique et mentale.
Le nerf vague et la récupération en mer
La récupération ne dépend pas uniquement du sommeil. Elle repose aussi sur la capacité du corps à naviguer entre état d’alerte (sympathique) et état de repos (parasympathique). Le nerf vague joue un rôle central dans cette transition.
Ses effets sur la physiologie :
Lorsqu’il est activé, le nerf vague déclenche plusieurs réponses corporelles :
- – Ralentissement du rythme cardiaque : en réduisant la fréquence cardiaque, il minimise l’usure physique.
- – Diminution des niveaux de cortisol : l’hormone du stress diminue, permettant des processus de régénération.
- – Soutien au système digestif : il stimule les organes digestifs, améliorant ainsi l’absorption des nutriments, même dans des conditions de mer difficiles.
- – Facilitation de la relaxation : grâce à son action apaisante, il aide à atteindre un état de calme profond, même lors de rares moments de repos.
Le lien avec le sommeil réparateur
Le sommeil est souvent perturbé en mer en raison de plusieurs facteurs. Le corps doit constamment s’adapter à des conditions imprévisibles, et le sommeil en souffre souvent :
- Perturbations mécaniques :
Les mouvements du bateau, le bruit des vagues et des vents peuvent perturber le sommeil profond, nécessaire à la régénération. - Horaires fragmentés :
Les siestes de 20 à 90 minutes ne permettent pas d’entrer dans un cycle de sommeil réparateur. - Stress :
Le stress active l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), ce qui augmente le cortisol et réduit la production de mélatonine, perturbant le cycle veille-sommeil.
Conséquences d’un sommeil non réparateur :
- Fatigue et manque de vigilance.
- Récupération musculaire ralentie, augmentant le risque de blessures.
- Altération cognitive, comme des réflexes ralentis ou des troubles de l’humeur.
- Affaiblissement du système immunitaire.
- La stimulation du nerf vague peut atténuer ces effets en favorisant la relaxation et en améliorant la qualité des courtes phases de sommeil. Cela permet ainsi au marin de maximiser ses moments de récupération.
Exercices pour activer le nerf vague en mer
Respiration diaphragmatique
La respiration diaphragmatique est un moyen puissant d’activer le nerf vague. Elle favorise la relaxation en stimulant le diaphragme et le système parasympathique.
- Comment faire ?
- Installez-vous confortablement, assis ou allongé.
- Placez une main sur le ventre et l’autre sur la poitrine.
- Inspirez lentement par le nez, gonflant le ventre, pendant 4 à 6 secondes.
- Retenez votre souffle pendant 4 secondes.
- Expirez lentement par la bouche pendant 6 à 8 secondes, en vidant complètement les poumons.
- Durée : 3 à 5 minutes, plusieurs fois par jour.
- Cohérence cardiaque : la régulation en 5 minutes
Cette technique de respiration synchronise le rythme cardiaque et régule le stress.
- Comment faire ?
- Inspirez pendant 5 secondes, puis expirez pendant 5 secondes.
- Répétez pendant 5 minutes pour atteindre un état de cohérence cardiaque.
- Astuce : Utilisez une application ou un métronome pour maintenir le rythme.
- Vibration vocale : fredonner pour calmer l’esprit
Les vibrations produites par la voix, en particulier par le nerf laryngé, agissent directement sur le nerf vague.
- Comment faire ?
- Fredonnez une note grave ou répétez un mantra comme “Om” en expirant longuement.
- Alternez entre des sons graves et légèrement plus aigus.
- Faites des gargarismes avec de l’eau en émettant des sons pour stimuler la gorge.
- Pourquoi ça fonctionne ? Les vibrations stimulent le nerf vague et induisent une relaxation profonde.
- Automassages du cou
Le nerf vague traverse cette zone, et un massage léger peut apaiser les tensions et favoriser la relaxation.
- Comment faire ?
- Massez doucement sous les oreilles et le long des côtés du cou, en effectuant des mouvements circulaires lents.
- Immersion faciale dans l’eau froide
L’eau froide active le réflexe de plongée, qui stimule le nerf vague et abaisse la fréquence cardiaque.
- Comment faire ?
- Appliquez une serviette froide sur le visage ou plongez brièvement le visage dans de l’eau fraîche.
Un guide pour dompter les vagues intérieures
Pour le marin, la stimulation du nerf vague est un outil puissant pour faire face aux défis de la mer. En apprenant à activer ce nerf, il peut transformer un état d’épuisement en une occasion de régénération. Chaque instant à bord est précieux, et savoir apaiser son corps devient aussi essentiel que maîtriser sa trajectoire.
Les recherches sur la cartographie fonctionnelle du nerf vague, notamment celles menées par Stavros Zanos et son équipe à l’Institut Feinstein de recherche médicale de New York, visent à mieux comprendre comment ce nerf complexe affecte le corps humain, notamment au niveau des circuits neuronaux et du système nerveux autonome. Ils ont identifié les différentes fibres du nerf vague et la manière dont leur activation peut influencer des fonctions vitales, telles que la régulation cardiaque, la gestion du stress et la modulation des réponses inflammatoires.
L’utilisation de capteurs biométriques sur les marins, comme ceux utilisés par Damien Seguin, offre un suivi en temps réel des réponses physiologiques du corps en mer. En mesurant des paramètres variés tels que le rythme cardiaque, la température, la qualité du sommeil, et d’autres, ces dispositifs permettent de détecter des changements en réponse au stress, à la fatigue ou à la privation de sommeil. Cela pourrait donner un aperçu précieux des effets de la stimulation du nerf vague en mer.
En combinant ces données avec les recherches en cours sur la cartographie du nerf vague, il serait possible de mieux comprendre comment ce nerf réagit face aux conditions extrêmes en mer et comment sa stimulation pourrait influencer la récupération physique et mentale des marins. De cette manière, on pourrait envisager une approche plus précise et personnalisée pour optimiser la gestion du stress et améliorer les performances des marins, en mesurant l’impact direct de l’activation du nerf vague à travers ces capteurs biométriques.
Tout comme l’océan, le corps humain est en perpétuel mouvement. Les marins du Vendée Globe affrontent des défis extrêmes, mais en maîtrisant leur propre monde intérieur, grâce au nerf vague, ils trouveraient une nouvelle façon de naviguer. Avec sérénité, résilience et maîtrise, ils pourront surmonter aussi bien les vagues de l’océan que les tempêtes intérieures.